16
Jan
Outils de protection
- By isabelle
Une étude a été menée par Justine Choquer et Catherine Souty-Grosset du laboratoire EBI de l’Université de Poitiers afin «d’Identifier les outils réglementaires, fonciers et contractuels existants et leur efficacité pour la préservation de l’écrevisse à pattes blanches».
Tour d’horizon des outils
Premier constat issu de la recherche bibliographique :
- Une faible quantité d’outils de protection en Aquitaine
- L’espèce est très peu intégrée dans les documents de gestion de ces espaces (cliquez ici pour voir le tableau des outils).
- Il existe des lacunes concernant la présence d’espaces protégés pour la conservation des écrevisses à pattes blanches
- Une nécessité de créer de nouveaux espaces ou d’élargir le périmètre de certains sites déjà existants. Mais complexité de mise en oeuvre pour plusieurs outils (procédure longue, complexe) avec peu de moyens de contrôles et de faibles sanctions
Aucun outil n’est directement adapté à la conservation de l’espèce. Il serait donc trop coûteux de lancer la mise en place de certains outils mais il est important de s’appuyer dessus lorsqu’ils existent.
Ressenti des gestionnaires et experts nationaux
Afin de confirmer/infirmer/nuancer les données théoriques issues de la recherche documentaire un questionnaire a été réalisé à l’intention des gestionnaires de sites, et d’experts aquitains et français, où A. pallipes est présente afin notamment d’avoir leur ressenti par rapport à l’efficacité de ces instruments mais aussi les éventuelles difficultés rencontrées pendant la mise en place et/ou au quotidien.
Au total, 65 gestionnaires de sites naturels (dont 7 en Aquitaine) et 32 experts nationaux ont été contactés dans 18 régions françaises entre le 13 et le 20 juin 2014. Pour un taux de réponse de 42 %.
Les points importants…
- Manque de moyens financiers ou humains pour 18 % des personnes ayant répondu au questionnaire.
- Le ressenti des gestionnaires est partagé en ce qui concerne les différentes catégories de protection.
- 37% pensent que les outils de protection foncière sont plus efficaces : à grande échelle cela permet la maîtrise des activités sur un territoire, et de garantir la pérennité des actions engagées. Cependant l’acquisition foncière est inefficace pour contrôler la faune aquatique (migration des écrevisses américaines).
- 33% des personnes interrogées plébiscitent donc les outils de protection réglementaire : ils permettent de limiter l’introduction des écrevisses invasives. Mais ces outils sont difficilement contrôlables, le réglementaire seul est mal accepté, il est plus difficile de faire passer des idées quand elles sont obligatoires et n’ont pas fait l’objet de concertation.
- 30% des avis vont dans le sens des outils de protection conventionnelle/contractuelle : ils peuvent permettre un travail à une échelle relativement large, et de faire de la sensibilisation des usagers et de la conservation. Néanmoins la solution contractuelle est pour certains de portée toujours insuffisante puisque seules les personnes qui le souhaitent sont impliquées.
- Cependant 54% des gestionnaires et experts pensent que la superposition de différentes catégories d’outils est intéressante, voire nécessaire. Elles se complètent et peuvent contribuer à cibler des acteurs différents. Mais 46 % ne partagent pas cet avis car cela peut notamment compliquer la tâche des contrôleurs et la compréhension du public.
- Une question particulière du questionnaire concernait spécifiquement la réglementation sur les espèces invasives. Seulement 11% des personnes ayant répondu ont un avis plutôt positif sur cette législation : 5% pensent qu’elle est suffisante, 3% qu’elle permet de retarder la disparition des écrevisses indigènes et 3% qu’elle pose un cadre. 89% ont opinion négative : elle n’est pas assez restrictive pour 29 %, certains déplorent notamment que le transport vivant, la vente des écrevisses exotiques, ne soient pas strictement interdit. D’autres remarques portent sur son inefficacité, sa complexité, son insuffisance (la communication est nécessaire pour plusieurs personnes) et enfin le caractère incontrôlable de cette loi.
Etude de cas en Aquitaine
Chaque site abritant des écrevisses à pattes blanches est unique, les réponses au questionnaire, ont permis une première analyse, qu’il était important de compléter d’informations propres aux différents contextes aquitains afin de choisir les outils les plus adaptés à chaque site parmi ceux existants.
Il n’est pas possible d’agir en même temps sur toutes les populations d’écrevisses à pattes blanches d’Aquitaine. Une étude de cas a donc été menée sur un ou plusieurs cours d’eau à enjeux par département. Ce travail pourra être ainsi mené à terme pour les différents sites en Aquitaine.
- En Dordogne, l’étude a porté sur un site où A.pallipes a été inventoriée en grande quantité, et où les écrevisses exotiques sont absentes à l’heure actuelle. Les mesures ou préconisations suivantes ont été mises en évidence :
- Il est impératif pour les autorités de veiller au respect de la législation portant sur les écrevisses invasives
- Une nécessité de de sensibiliser les usagers et le grand public à la conservation de l’écrevisse à pattes blanches. Pour engager le dialogue des PLAQUETTES ont été réalisées.
- Une surveillance accrue du secteur est conseillée, notamment pour veiller à ce que les activités forestières n’impactent pas la bonne qualité du ruisseau situé sur une commune du PNR Périgord-Limousin, ,
En Gironde un cours d’eau où une très faible population d’écrevisses à pattes blanches a été découverte en 2014 a été identifiée comme prioritaire dans ce département où moins de 5 populations sont encore observées. Il ressort :
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- Il est Impératif de le préserver des écrevisses exotiques, présentes sur le bassin versant.
- Un DOCOB est en cours d’approbation, le ruisseau est désigné site d’intérêt communautaire. .
- L’occupation du sol riverain est favorable (forêts de feuillus et prairies).
- La proximité de vignobles et de prairies pâturées reste une menace potentielle pour la qualité de l’eau : la sensibilisation des exploitants est nécessaire.
- La mise en place d’actions de lutte contre les espèces exotiques envahissantes est ici indispensable. Contenir les populations est une première victoire mais éradiquer l’espèce est un problème aujourd’hui non résolu. C’est pourquoi, la mise en place de barrières physiques dans le cours d’eau pourrait être testée sur ce site.
Dans les Landes deux cours d’eau ont fait l’objet de cette étude de cas. Les remarques suivantes ont été faites :
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- La mise en place d’un APPB pourrait être une mesure adéquate pour préserver l’habitat de l’écrevisse.
- Une concertation avec les professionnels du secteur est indispensable pour que l’outil soit efficace.
- Sensibiliser et amener les exploitants à ne pas faire boire les bêtes dans le cours d’eau ou à planter une ripisylve si ce n’est pas déjà le cas via des mesures contractuelles de restauration des cours d’eau, inclues par exemple dans un CRE.
- Des réserves de pêche temporaires pourraient être mises en place sur les communes concernées pour éviter l’introduction d’écrevisses invasives et de l’aphanomycose dans les cours d’eau.
En Lot-et-Garonne la situation est très critique.
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- Priorité : Réguler les populations d’écrevisses invasives, présentes sur tous les bassins versants.
- Ce département pourrait être un territoire pilote idéal pour expérimenter des techniques novatrices de lutte contre les écrevisses exotiques : utilisation de phéromones pour le piégeage, emploi de rayons ionisants pour stériliser les mâles ainsi que la technique développée par M. Duperray de stérilisation mécanique des mâles P. leniusculus et même l’introduction de prédateurs piscicoles de P. clarkii comme l’anguille (Anguilla anguilla).
- Le département des Pyrénées-Atlantiques, abrite le plus grand nombre de populations d’écrevisses à pattes blanches mais aussi la quantité la plus importante d’espaces protégés. Il existe tout de même des lacunes, notamment dans le nord et nord-est du département. Ainsi 3 ruisseaux abritant des populations d’écrevisses à pattes blanches ont été pris en exemple pour l’identification de préconisations.
- Des mesures foncières pourraient être bénéfiques : sur un des sites l’occupation des sols des parcelles riveraines n’est pas des plus propicesà la bonne qualité de l’eau; un autre site est quant à lui situé à la limite d’un ENS, à ce titre il serait intéressant d’étudier la possibilité d’acquérir les parcelles limitrophes.
- Peu d’écrevisses exotiques dans le département, la sensibilisation continue auprès du grand public et des pêcheurs, via les plaquettes de l’ARFA est nécessaire.
- Présence d’un très grand nombre de futurs sites Natura 2000 où A. pallipes a été recensée mais pour le moment, soit les DOCOB restent à lancer, soit le diagnostic préalable à la rédaction du document est en cours. Il est important de conserver les populations en attendant le classement, ainsi des réserves de pêche temporaires pourraient être instaurées en attendant. Deux des trois sites identifiés se trouvent sur le territoire de futurs sites Natura 2000. Des contrats pourraient être mis en place pour pérenniser les bonnes pratiques agricoles sur le territoire.
- Enfin des actions de repeuplement pour redynamiser les populations d’écrevisses à pattes blanches dans certains secteurs pourraient également être envisagées à terme.
Consultation des acteurs internationaux
Quelques acteurs européens (chercheurs, gestionnaires…) ont également était contactés en Allemagne, au Royaume-Uni, en Autriche, en Italie et en Suisse.
Parmi les actions menées intéressantes dans les autres pays, on peut souligner :
- La réalisation d’études sur la mise en place de barrières physiques contre les écrevisses exotiques en Allemagne ainsi que des études sur le repeuplement.
- Le Royaume-Uni étudie également cette piste, en effet au sein d’un espace protégé au pays de Galles, l’introduction dans des sites identifiés comme « ark sites » est envisagée. Des essais d’élevage ont été une réussite il serait ainsi possible de réintroduire plus de 1000 juvéniles par an. Dans le Nord de l’Angleterre (Yorkshire), selon une experte anglaise, des réintroductions ont eu lieu en 2007 et il semblerait que les populations se soient bien acclimatées aujourd’hui.
- Un gestionnaire de site Natura 2000 autrichien affirme quant à lui que les effectifs d’écrevisses à pattes blanches sont en augmentation sur son site protégé grâce au retrait récent d’obstacles dans le cours d’eau qui a permis de relier des populations d’A. pallipes entre elles.
Concernant les préconisations :
- Dans 3 pays européens que sont l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie, les experts et gestionnaires contactés souhaiteraient que la législation sur les écrevisses exotiques soit renforcée.
- De plus l’Autriche préconise l’interdiction des écrevisses exotiques en aquariophilie et dans le cadre de la gestion des populations d’écrevisses à pattes blanches, des contrats avec les riverains et les professionnels qui connaissent le terrain et qui sont donc aussi sentinelles du territoire.
- Enfin deux pays (Suisse et Italie) considèrent que la sensibilisation et la communication auprès du grand public sont indispensables.